Une œuvre d’art, qu’il s’agisse d’une sculpture, d’un dessin ou encore d’une performance, est un révélateur d’espaces. Un réseau de relations se crée ou se tisse, entre le langage et l’espace, entre l’œuvre et le spectateur ou encore entre les gestes et la pratique qui les a faits naitre. Mon travail est une suite d’expériences qui cherche à se sédimenter en un territoire aux interconnections multiples, aux gestes et aux mediums pluriels. Mes cahiers de dessins sont autant de notes sur d’autres choses à venir que les empreintes de  souvenirs passés. Le principe de répétition, présent dans la fragmentation des gestes, des corps ou des sentiments, est aussi le mime d’une sorte de transfert ; stencil désuet et pourtant obsessionnel. L’ensemble dessine la topographie d’une activité, autant psychique que physique, composée d’une infinité de micro-gestes lesquels tentent sans succès de reconstituer dans son entièreté le — ou les
— corps absent(s).
Les gestes et opérations dans mon travail de sculpture s’organisent de la même manière. Il y est question de fragments qui cherchent
la valeur du tout, du dédoublement de l’objet par son enveloppe, de l’empreinte toujours réversible. La poétique du désossement,
les questions de l’écorché ou du membra disjecta sont autant de sujets où se croisent et s’emmèlent le double, la trace, le périssable, la sensualité, le souvenir et le devenir. Enfin, la performance qui s’agite, mime des connexions qui ne se feront pas ou feinte des praticabilités fictives. Les gestes — toujours eux — se mettent en scène pour simuler, à défaut de ne pouvoir s’y substituer les mesures et les formes de tous ces espaces, parfois archéologiques et parfois qu’il reste encore à inventer. Le réel n’est jamais donné pour ce qu’il est mais pour ce qu’il devient. C’est peut être un signe de notre temps qu’il soit ainsi de nouveau possible et même nécessaire de consacrer toute son activité à un dialogue entre une forme et ce à quoi elle ressemble.
Manon Harrois