Pour The Left Space, The Right Space il s’agit de retravailler deux performances passées, un karaoké engagé et un cours de gym positivement négatif, en rajoutant une couche, une contrainte supplémentaire qui vient faire suer, presque à étouffer. C’est un combat qui s’y joue, un son déformé qui en sort, un filtre qui se superpose, la chaleur qui monte et la sueur qui dégouline. Entre thérapie, bien-être, injonctions et oppressions, l’eau coule, le plastique colle et les mots se répandent.
Ma pratique artistique trempe dans les problématiques liées au capitalisme néolibéral. Cette pratique est intimement liée à ce rapport de force entre l’individu, l’artiste, le designer et les structures sociales qui l’entourent, ou plus précisément en quoi ce système politique
influe sur les modes de production, la définition de la créativité et plus globalement sur le mental et les corps. Pour le dire  schématiquement, capitalisme néolibéral = démultiplication et dispersion du pouvoir politique, qui est à la fois partout et nulle part, et cela crée une forme de déresponsabilisation de l’artiste, du designer, du chef d’entreprise, du politicien etc... mais aussi de l’individu en général, dans son rapport au corps et dans son être. Je comprends ce pouvoir comme une main invisible qui est en fait multiple, où tout se retrouve interconnecté mais impalpable et apparaît a priori incombattable. Et dans ces systèmes, l’entertainment, le spectacle, le divertissement est dénoncé comme outil de détournement de l’attention, comme amplificateur d’oisiveté qui viendrait accentuer l’apathie générale du corps et de l’esprit. (Michel Foucault, Giorgio Agamben, Mark Fisher...) C’est en cela que ma pratique peut être
perçue comme activiste, puisqu’elle essaie malgré tout d’agir sur cette apathie. Je réutilise alors le spectacle (l'entertainment) dans sa capacité à montrer, à attirer et à suggérer. Je formule que le divertissement est un lieu potentiel d’engagement politique.
Sara Daniel, 2021